Academie des Sciences et Lettres de Montpellier

Jean ROIG (11-6-1909 | 1-1993)

Section : Sciences - Siège : XXVI
Professeur aux Université de Lille puis de Montpellier
Elu(e) à l'Académie en 1975. Départ en 1981.
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Source du texte et du portrait : Association de Solidarité des Anciens Personnels de l'Universite  de Lille (ASAP) 

   

     Jean ROIG nous a quittés en janvier 1993. Il était né à Perpignan en 1909. Entré à l'Ecole Normale Supérieure à 18 ans, il sort major de l'Agrégation de Physique à 22 ans et reste à l'Ecole Normale comme Agrégé Préparateur jusqu'en 1936. Il obtient ensuite une Bourse d'Etudes du C.N.R.S. (Centre National de Recherche Scientifique) et travaille à Berlin sous la direction du professeur SCHULER à l'Institut Max PLANCK.

     Il passe en 1937 une thèse d'état qui porte sur l'étude photométrique des anneaux à l'infini des lames semi-argentées, publiée dans la Revue d'Optique. C'est aussi à cette époque, 1938, qu'il publie avec le professeur SCHULER dans la revue Zeitschrift fur Physik un article intitulé : "Moment mécanique de Yb 173 - Yb 177".

     Dès octobre 1938, il est chargé à Lille de la suppléance de Monsieur HOCHART, en congé de maladie, et est nommé Maître de Conférences de Physique le 1er avril 1940. Chargé de mission par le CNRS A, surpris par l'avance Allemande, Jean ROIG se retrouve dans des conditions très difficiles ; il revient à Lille où il est bientôt rejoint par les Professeurs et Membres du personnel qui avaient été évacués à Paris-Plage.

     Il participe avec le Doyen MAIGE et quelques professeurs à la réorganisation de l'Enseignement à la Faculté des Sciences. Il assume dès lors la totalité de l'enseignement de Physique Générale et la Direction de l'Institut de Physique.

     C'est un enseignant remarquable doublé des qualités essentielles d'un chercheur.

     Son enseignement au Certificat de Physique Générale, aux dires de ceux qui l'ont suivi, est extrêmement clair. Il fait passer auprès de ses étudiants le goût de la Physique, en particulier de l'Optique. Depuis juin 1942, il est membre du jury de l'Agrégation de jeunes filles, et à partir de juin 1948, de l'Agrégation masculine. Il prend, à Lille, une part importante à la préparation à l'Agrégation des Sciences Physiques. Les résultats obtenus chaque année attestent non seulement des mérites des candidats, mais aussi des qualités pédagogiques du professeur.

     Depuis 1944, il cumule avec les fonctions de professeur à la Faculté des Sciences celles de Directeur des Etudes de l'Institut Industriel du Nord. C'est à lui que l'on doit la réforme des études et le relèvement du niveau du concours d'entrée qui conduira beaucoup plus tard à l'appellation actuelle : Ecole Centrale de Lille.

     Auteur lui-même de recherches dont les plus importantes sont du domaine de l'Optique Physique, il est épaulé par de nombreux chercheurs. Les travaux les plus importants de M. ROIG et de ses élèves se rapportent aux sujets suivants : étude des sources lumineuses, l'interférométrie dont l'étude photométrique des anneaux de PEROT-FABRY et la détermination des moments magnétiques et quadripolaires de l'Ytterbium, la spectrographie dont la réalisation d'un montage stigmatique pour réseau concave avec application aux bandes de l'hydrate de cuivre et aux bandes des molécules diatomiques aux hautes températures, études des propriétés optiques des couches minces d'argent et d'aluminium en fonction de la longueur d'onde.

     Jean ROIG n'est pas seulement un enseignant chercheur mais aussi un visionnaire.

     C'est ainsi, que dans les années 1950, il entrevoit l'essor, l'importance d'une nouvelle discipline - peut-être révélée par la réalisation de la télévision - l'Electronique. C'est alors qu'il songe introduire dans le Certificat de Physique Générale, dont il est le responsable, un cours d'Electronique, mais aussi à l'IDN dont il est Directeur des Etudes. Il étudie corrélativement un avant-projet d'un Institut centré sur l'Electronique, peut-être pour remplacer à terme l'Institut Radiotechnique. Cet avant-projet, qui ne rencontrera pas l'écoute souhaitée dans le monde universitaire et politique, n'aboutira pas. Il apprend par le ministère d'André MARIE que l'on ne pouvait donner suite à son projet "puisqu'une autre école d'ingénieur de même type allait ouvrir à la Faculté Catholique". Ce fût une déception importante d'autant que tout le monde sentait bien qu'une telle décision avait été obtenue grâce à des appuis politiques et que cela risquait d'affaiblir la Faculté des Sciences.

     Cependant ce travail n'aura pas été inutile puisque, remarqué par les autorités supérieures, il est chargé en 1958 par le Directeur Général de l'Enseignement Supérieur L. CAPDECOMME, de l'étude et de la mise en place d'un INSA (Institut National des Sciences Appliquées). A cette époque plusieurs Instituts de ce type existent en France. L'INSA sera construit en totalité en 1966-1968 mais n'obtiendra jamais l'autorisation d'ouverture. Il sera transformé par cession des locaux, d'une part à l'IDN actuellement Ecole Centrale, d'autre part à la Faculté des Sciences, nouvelle école d'ingénieurs EUDIL.

     Durant sa période lilloise, Jean ROIG reçoit, en 1948, le Grand Prix KUHLMANN de la Société des Sciences.

     En 1958 il est nommé Chevalier dans l'Ordre de la Légion d'Honneur.

     En 1962 il obtient la classe exceptionnelle des Professeurs.

     C'était une personnalité attachante dont les hautes qualités humaines ont fait de lui un collègue ou un ami particulièrement sympathique et d'un commerce agréable. Ceux qui l'on approché sont d'accord pour reconnaître la perspicacité et la droiture de ses vues.

     Il a dirigé à Lille plusieurs dizaines de chercheurs dont les travaux conduisent à de nombreuses thèses, plus de 25.

     Le décès accidentel de sa mère le conduisit, en 1962, à rejoindre l'Université de Montpellier dans une chaire déclarée vacante. Il souhaitait pouvoir s'occuper de sa soeur restée seule à Perpignan. Jusqu'à sa retraite il travaillera sur les lasers, passant de l'examen des niveaux optiques, à leur emploi en émission.

     Nous gardons tous le souvenir d'un physicien rigoureux, doublé d'un pédagogue hors pair. Pas du tout mandarin, il était agréable de travailler avec lui, grâce à son humour sans faille. Toute une génération de physiciens lui doivent leur excellente formation.

Signé : R. Fouret, Lille

 

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